La victime de harcèlement au travail s’est déjà souvent posé la question du harcèlement parce qu’elle sent que « quelque chose cloche ». Dès le départ du traitement qui la fait souffrir « psychiquement », elle va tenter de se remettre en question à propos de son travail fourni, de ce qui est « normal » ou non, dans le contexte qu’elle vit.

C’est un comportement sain que de pratiquer cette première introspection. De se demander, par exemple, si le traitement qu’elle subit est le même que celui de ses collègues, ou bien si c’est la méthode managériale, les attentes des collègues ou de l’« employeur » qui ne lui conviennent pas. Cette première introspection est délicate et importante. Il est bon, si l’on se sent en confiance avec l’un ou l’autre collègue, de vérifier auprès de celui-ci cette impression de différence de traitement, le plus rapidement possible, pour ne pas laisser un « accord tacite » s’installer entre la prétendue « victime » et « son bourreau », voire avec leur entourage qui pourrait finir par penser que ce mode de fonctionnement est accepté par les deux parties.

Il se peut aussi que l’« institution », le cabinet ait besoin d’un bouc émissaire pour (mal) fonctionner.

Dans ce cas, vous pouvez rechercher (discrètement) si de précédents collègues qui ont quitté ce lieu de travail auraient subi ce type de maltraitance. Echanger avec eux pourrait vous être d’un grand secours et à tout le moins, un réconfort.

Voici plusieurs questions à vous poser si vous pensez être victime de harcèlement :

  1. Est-ce que je subis un traitement différencié par rapport à mes collègues en termes de charge de travail, de type de travail, de responsabilités, de participation aux activités du cabinet,… ? en termes de rémunération, selon mon « barème », ma position ?
  2. Vous subissez des insultes, des agressions verbales, des gestes déplacés ou des remarques qui vous rabaissent devant les autres, les clients, … Rumeurs, humiliations, tous ces comportements font partie de la panoplie du harceleur. Ces comportements se répètent-ils ?
  3. Est-ce que vous subissez une pression excessive (soit par rapport aux autres, soit après une évaluation ou un moment particulier) ?
  4. Est-ce que quelqu’un limite systématiquement votre progression professionnelle ? (Exemple: les idées que vous proposez sont remisées au placard, puis reprises par une autre personne – Vous souhaitez évoluer vers un poste, vous en faites part aux décideurs et systématiquement, sans vous l’expliquer, la place est attribuée à un collègue).
  5. On rabaisse souvent la qualité de votre travail.
  6. Votre hiérarchie ou un confrère néglige systématiquement vos questions ou vos mails ?

Si vous vous reconnaissez dans plusieurs des critères évoqués ci-dessus, il y a fort à parier que vous êtes harcelé sur votre lieu de travail.

Les cas particuliers

Cas de figure 1

Il est certain que si vous venez d’arriver dans un nouveau poste de travail, un temps d’adaptation est nécessaire et justifié.

Vous devez prendre connaissance des outils, des modes de fonctionnement avec vos collègues, acquérir des réflexes.

Peut-être aussi que votre engagement change la place de certains collègues dans l’organigramme et que cela les contrarie.

Il se peut aussi que la « charge » supplémentaire au début de votre engagement, en raison d’une nécessaire formation, irrite certains collègues qui doivent prendre le temps de vous expliquer comment le système fonctionne.

Dans ce cas, vous devez avoir, en contrepartie, un soutien effectif de votre hiérarchie, ou de collègues directs, qui vous permettra de vous adapter.

Poser vos questions jusqu’à recevoir une réponse qui vous éclaire réellement. Les reformuler peut parfois s’avérer nécessaire. Cherchez, au besoin, différents interlocuteurs si c’est possible. Vous êtes un.e indépendant.e, entrepreneur/euse, donc il vous incombe de aussi créer “ votre ” confort intellectuel de travail. On doit, par ailleurs, vous en laisser le temps.

Toujours avec courtoisie, interpellez par écrit (mails, sms, …) qui de droit si vous ne vous sentez pas entendu.

Cas de figure 1 bis

Vous êtes avocat-stagiaire

Vous n’avez pas du tout été préparé à ce métier en sortant de l’université : charge de travail intense, charges administratives (cotisations sociales, mutuelle, guichet d’entreprise, inscription au Tableau, inscription aux cours…), charge mentale (responsabilité que vous engagez), charges fiscales (TVA, IPP,…) : le métier est rude.

Dans ces 2 premiers cas

Il est possible que la méthode managériale ou de formation ne vous convienne pas du tout. Ou tout simplement vous vous rendez compte que vous avez fait un mauvais choix d’orientation. Prenez contact avec la cellule d’écoute pour vérifier cela le plus rapidement possible, pour éclaircir la situation, en toute confidentialité.

Cas de figure 2

Vous quittez un cabinet ou une entreprise ?

Ce peut être, à l’inverse, une « crise de séparation ». Votre travail va être redistribué, le chef d’entreprise peut craindre une baisse de rentabilité, une baisse de clientèle ou une « fuite » (parfois logique) de quelques clients. La relation se tend alors pendant votre période de préavis

Dans ce cas, il s’agit sans doute plus de manifestation d’inquiétudes de la rupture de contrat que de harcèlement. Si des tensions étaient préexistantes, elles peuvent se cristalliser lors cette fin de collaboration.

Soit vous avez les ressources nécessaires pour assumer ces tensions, et vous tenterez de rassurer votre « employeur », soit vous pouvez prendre contact avec la cellule d’écoute pour explorer les pistes de négociations ou d’aménagements possibles.

Vous avez répondu par l’affirmative à plusieurs des questions ci-dessus ?

Vous êtes probablement en situation d’être harcelé.

Voici des pistes pour vous sortir de cette situation.

Souvent la personne harcelée essaie de montrer que cette attitude à son égard ne la touche pas, pour éviter de donner « prise » à celui ou celle qui harcèle. Il ne faut cependant pas traîner à faire état à une personne de confiance de ce ressenti, du malaise qui existe par rapport à des faits concrets et de façon concrète.

Car plus on attend, plus la charge émotionnelle « gonfle » et prend la place par rapport à votre capacité d’analyse et de négociation ou de remise en question des façons de faire qui vous blessent. Votre santé mentale (voire physique), votre confiance en vos capacités intellectuelles vont s’user.

S’il vous est impossible d’en faire part au sein de votre cabinet ou à qui que ce soit qui pourrait changer la donne, essayez d’avoir le plus de témoins possibles des faits et, au mieux, des témoins qui oseront témoigner. Si vous avez déjà tenté de faire part de votre malaise et de changer cet état de fait, prenez grand soin de noter quand vous avez tenté de réagir et comment. Il est indispensable de conserver des traces de vos tentatives d’apaisement, de demandes de soutien, …etc

Tout ce qui peut constituer une preuve de l’alerte que vous donnez jouera en votre faveur s’il s’agit de devoir négocier un départ en bons termes ou de porter plainte.

Vous avez peut-être honte parce qu’instinctivement, vous aviez senti que le terrain sur lequel vous avanciez était miné. Une part de vous vous reproche d’avoir “ laissé faire”. Vous vous sentez piégé.

Cette part est sans doute aussi celle qui vous soufflait « patience », avec l’intention honorable d’explorer ce qui se tramait pour vous réajuster ... Mais toutes vos tentatives de réajustement tombent à plat et vous finissez par vous sentir « nul.le ».

C’est arrivé à d’autres (puisque ce texte en témoigne). Les cas de figure sont différents. Si vous souhaitez en rechercher le “pourquoi”, c’est légitime mais cette exploration sera à faire plus tard ou parallèlement, dans un espace bienveillant, voire thérapeutique.

Pour l’heure, il faut vous sortir de là, car plus le temps passe, plus votre énergie s’épuise et votre estime de vous s’amenuise.

Quoi que vous fassiez face à une incompatibilité d’humeur (cauchemardesque) ou à une personnalité destructrice, le résultat est que vous vous abîmez là où vous êtes.

La porte de salut, c’est de vous ouvrir de votre problème à des personnes qui vous écouteront et qui vous aideront à vous en sortir.

Lisez et réfléchissez aux pistes suivantes, pour prendre le temps de ressentir par où vous souhaitez commencer :

  • Vous confier à un proche. Même si vous savez que cette confidence ne résoudra pas le problème de façon directe, vous allez vous entendre raconter les faits. Et déjà, c’est une façon de prendre du recul que de sortir ces phrases et ces images qui tournent en boucle dans votre ruminement.

  • Vous confier à un collègue proche ou un confrère. Vous pouvez aussi d’emblée exprimer à cette personne que vous avez besoin de temps et d’un endroit confortable pour partager ce qui vous encombre. La qualité de l’écoute est importante.

  • Soumettre votre souhait de départ à votre hiérarchie (à quel moment ? dans quel contexte ? sous quel prétexte, au besoin ? Préparez ce que vous souhaitez demander et ce que vous souhaitez proposer (préavis, en fonction du contrat, …).

  • Noter, sur un support sécurisé, les éléments concrets et datés de faits “déplacés” ou reconnus comme un élément potentiellement constitutive de harcèlement. Vous faire relire par une personne de confiance.

  • Voir un médecin et lui expliquer la situation.

  • Appeler la cellule d’écoute, qui garantit l’anonymat.

  • Contacter un avocat de la liste des confrères accompagnants, qui sont disposés soutenir ceux et celles qui rencontrent ce type de difficultés au sein de votre barreau. Ils sont tenus à la plus grande confidentialité et sont conscients de l’existence de harcèlement au barreau (comme dans tout milieu de travail).

Vous avez d’autres questions ? Contactez le service d’écoute au 0471 71 34 34, en toute confidentialité.